CHATEAU DE L'AME / GRAAL THEATRE / AMERS

La musique de Kaija Saariaho est gourmande en timbres et d'harmonies. Dans les années 80, sa musique proposait un savant cache-cache entre l'acoustique et l'électroacoustique. Amers (1990) est la dernière oeuvre de cette période, plus focalisée sur la couleur et sur le timbre que sur la ligne. Graal théâtre est une sorte de concerto à la musique plus physique. La partie de violon, écrite pour Guidon Kremer, y est proprement diabolique. En face de cette écriture tendue et inquiète, un orchestre, vibrant aux frontières de sensations picturales,  joue la transparence dans une luminosité proche du son d'un carillon. Le cycle de mélodies Le Château de l'âme (1996) marque une transition vers un style davantage  lyrique. Dans cette partition se trouvent déjà, en germe, les gestes musicaux sur lesquels est construit l'opéra écrit avec Amin Maalouf, L'amour de loin (une reprise est programmée au Théâtre du Chatelet à Paris en novembre / décembre 2001). Le Château de l'âme met en musique cinq textes puisés aux traditions de l'hindouïsme ou de l'Antiquité égyptienne et qui proposent différentes sortes d'amour. Musique d'émotion et de rêverie, que Dawn Upshaw chante avec sa clarté et sa sensibilité musicale habituelles. Un dernier coup de chapeau doit être donné pour la direction nette d'Esa-Pekka Salonen. [Benoit Van Langenhove]