LOVEBITES

"L'on s'attend, lorsque le nom de la chanteuse helvético-américaine Erika Stucky ne nous est guère familier, à entendre dans ce disque une énième pseudo-diva susurrant un djâz de salon... Du moins, c'était mon cas. Du coup, on assiste, surpris, à ses audaces, ses prises de liberté tout à fait rafraîchissantes dans le domaine de la chanson jazz. D'ailleurs, est-ce encore du jazz ? A mi-chemin entre pop-song, folk US, crooner et expérimentation rock, on pourrait se le demander, d'autant que si le groupe compte dans ses rangs le trompettiste Lew Soloff ou le tromboniste Ray Anderson, le répertoire abordé ici, malgré une majorité de compositions originales, compte des reprises de morceaux de Nazareth, Procol Harum et Jimi Hendrix... Les mélopées vocales de Stucky rappellent d'ailleurs tantôt la légèreté de Rickie Lee Jones (Stolen Kisses), tantôt l'outrance du premier disque de Sinead O' Connor (Angry Mans Dance), tantôt Björk dans l'exagération bienvenue de certaines syllabes (Tipsy)... La force du disque réside surtout dans l'instrumentation des chansons : basée sur cinq cuivres (deux trombones, trompette, tuba, sousaphone) / electronics & bruitages / guitare, elle met en place une succession d'univers qui se phagocytent à l'image du magnifique Angry Mans Dance, créé de surprenants décalages entre tradition et avant-garde, transcende les genres ; elle contrebalance fortement la voix, de façon à ce que cette dernière, bien qu'omniprésente, ne fasse jamais d'ombre à la musique au contraire : il y a bien imbrication des forces. Malgré quelques passages à vide (le fade I'll see you in my Dreams par exemple), le disque d'Erika Stucky propose une alternative réellement novatrice aux sempiternelles chanteuses de standards. "IMPROJAZZ #104, Marc Sarrazy, April 2004 (via www.traumton.de)